
(article publié aussi sur le site du labo-OT au CNES)
Pourquoi s’intéresser à l’orientation des cultures agricoles ? Au moins pour deux raisons. L’orientation des cultures par rapport à la pente du terrain contribue de façon importante au risque de ruissellement intense et par voie de conséquence à l’érosion des sols. Par ailleurs, connaitre l’orientation des cultures est indispensable pour corriger les effets directionnels qui perturbent l’interprétation des images spatiales. Le Lab’OT a donc mis au point une méthode permettant de déterminer l’orientation des cultures à partir d’un parcellaire et d’une image de télédétection à très haute résolution spatiale.
Contexte
La problématique de la détection de l’orientation des cultures agricoles est un enjeu central dans différents dossiers traités au Lab’OT. En effet, l’orientation des cultures en fonction de la pente a un impact fort sur le ruissellement de l’eau, et son changement d’orientation peut avoir des conséquences importantes sur le chemin de l’eau et l’érosion des sols. Ainsi, de nombreux acteurs sont intéressés par cette thématique, qu’ils soient institutionnels ou privés.
Parmi ces acteurs, nous pouvons citer SNCF-réseau qui est intéressé par l’orientation des cultures pour évaluer le risque d’incident sur voirie causé par le ruissellement. En effet, certaines voies de chemins de fer sont détruites suite à des glissements de terrain résultants de ce ruissellement. De plus, l’information du changement d’orientation de culture d’une année sur l’autre peut entrainer une augmentation très importante du risque. Repérer ces changement d’orientation de cultures à grande échelle à proximité des voies devient alors un outil précieux pour déterminer un plan de prévention. Autres acteurs mais même problématique au sein du projet SCO FLAude : les participants à ce projet qui vise à comprendre l’impact de différents éléments de l’aménagement du territoire sur les évènements extrêmes tels que les inondations, sont également intéressés par cette thématique.
Ensuite, connaitre l’orientation des cultures est indispensable pour étudier les effets directionnels dans les images de télédétection. Et prendre en compte ces effets est très important pour traiter correctement des séries temporelles d’images prises avec différentes géométries d’acquisition. C’est par exemple le cas pour les images prises à partir de 2 orbites relatives avec Copernicus/Sentinel-2. De son côté, la future mission franco-indienne Trishna, avec son champ de vue de plus de 1000km, sera largement plus impactée par ce phénomène.
Méthodes et résultats obtenus
Données d’entrée
- Images aériennes ou spatiales : notre algorithme a été testé avec succès sur des images BD_ORTHO (pixel à 20cm) et Pleiades (pixel à 50cm).
- Emprises de parcelles : notre méthode a été mise au point en utilisant le RPG.
- Un modèle numérique de terrain
Méthode
Une publication décrivant de manière détaillée notre travail est en préparation, nous décrivons donc ici seulement de manière succincte la méthode.
La clé de voute du traitement est l’étape de détection de segments dans l’image, nous utilisons pour ce faire une méthode inspirée de von Gioi et al. 2012. Une deuxième étape du traitement concerne le filtrage des segments obtenus pour chaque parcelle, étape visant à supprimer les segments non pertinents car trop courts ou non représentatifs de l’orientation générale. L’orientation d’une parcelle est déduite de l’analyse de l’orientation des segments après filtrage. Pour faciliter l’usage ultérieur de l’orientation des cultures, des informations sur la pente du terrain sont également incluses dans les résultats.
Le traitement de départements entiers est rendu possible grâce à une architecture parallèle du code mis en place. Cette dernière prend en compte le tuilage éventuel des images d’entrée, une étape de découpage en patchs de taille plus faible et une concaténation des résultats de sortie en fin de traitement. La durée caractéristique du traitement d’un département entier est de 5 heures sur les moyens matériels du CNES.
Premiers résultats

11 département français (09, 11, 21, 31, 32, 33, 34, 35, 39, 68, 70, 71, 82) ont été traités à partir d’images de la BD_ORTHO datant de 2015 à 2020. Ce traitement a permis de déterminer l’orientation des cultures de plus de 320 000 parcelles, avec un taux d’orientations déterminées de près de 22%. Ce dernier chiffre relativement faible doit être relativisé : en effet, toutes les parcelles du RPG n’ont pas d’orientation, comme celles occupées par une prairie par exemple !

En réalité, deux limitations majeures sont rencontrées. Tout d’abord, l’absence d’information sur l’orientation dans l’image (parcelle non cultivée, friche, période d’interculture…). Cette limitation peut être compensée dans une certaine mesure en traitant plusieurs images sur la même zone, idéalement prises à différentes périodes de l’année. Le deuxième problème majeur vient de la définition des parcelles dans le RPG : une parcelle dans le RPG correspond régulièrement à plusieurs parcelles physiques avec différentes orientations. A ce sujet, nous sommes en train d’implémenter une étape de détection de parcelles multi-orientées qui améliore significativement notre taux de succès.

Les cas rares dans lesquels notre traitement commet clairement une erreur sont reliés à la présence de structures linéaires dans les parcelles qui n’ont rien à voir avec leur culture comme par exemple une ligne haute tension, un chemin ou des traces laissées par un engin agricole pendant ou après la récolte.

Pour le moment, les résultats décrits dans cet article peuvent être mis à disposition sur simple demande, mais Theia pourrait bientôt les mettre à disposition.
Merci bcp pour ces infos et résultats.
Petite question sur les parcelles en céréales à paille (blé, orge…). Sur une donnée de fin juin ou juillet (ce qui est fréquent avec la BD ortho), on est soit en situation post-récolte (les rangs que l’on voit sont plutôt lié aux traces de la moissonneuse batteuse et andains de paille).
Avez-vous pu vérifier que l’orientation des rangs de blé-orge… était aussi détectée avant moisson, et à différentes phases de croissance ? (ex : stade tallage en janvier février ; stade montaison en avril, début maturité en juin…).
Autre situation : avez-vous détecté le sens de divers travaux du sol (labour, déchaumage, …) en phase de sol nu ?
Merci
Bonjour Jean-François,
En effet, on a constaté sur de nombreux cas que la « détection de segments » accroche bien sur des traces d’engin ou des andains. De manière beaucoup moins fréquente, il arrive que cela induise la méthode en erreur, par exemple si un chemin d’engin traverse une prairie dans une direction quelconque.
Le cas des andains nous a par ailleurs posé problème car il n’est pas rare qu’il y ait un andain périphérique, non représentatif de l’orientation globale. Un filtrage des segments périphériques corrige ce problème.
Pour le reste, je n’ai pas conclusion à ce stade mais nous initions un travail qui va mener à une publication. Nous allons challenger les limites de notre méthode et j’espère répondre à un certain nombre de vos questions : influence de la date, type de culture…
La suite au prochain épisode !